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City post-Brexit : multipolarisation du système financier européen

Le Brexit a pris effet dès les premiers jours de 2021 et ses effets sur les marchés financiers n’ont pas tardé à se faire ressentir. Très rapidement, Amsterdam a dépassé Londres sur le marché des actions d’entreprises européennes. Pour autant la capitale hollandaise n’a pas pris la place centrale que la City occupait dans le système financier européen. En 2018 nous anticipions une multipolarisation de ce système et une volonté politique claire de la part de la BCE de marquer la rupture avec Londres. Six mois après le divorce, nous estimons avoir visé juste, à l’exception de la date (nous pensions que ce changement s’étalerait un peu plus dans le temps) et de l’indentification d’Amsterdam comme première bénéficiaire de cette nouvelle répartition. Bien que la pandémie rende d’autant plus difficile d’évaluer ce qui est imputable au Brexit ou aux confinements, nous avons jugé utile de mettre à jour cette tendance.

Voici ce que le GEAB écrivait en janvier 2018 :

 « Pour asseoir lindépendance de la zone euro, les Européens semblent prêts à s’émanciper de Londres, même sils doivent y laisser des plumes. […] Nous anticipons aujourdhui une déconnexion progressive entre la City et le marché unique pendant et après la période de transition post-Brexit, ainsi quune multipolarisation des services financiers au sein de la zone euro à lhorizon 2022. »

L’éloignement de la City et passage d’un système centralisé à un système multipolaire :

La rupture entre la City et le continent a été marquée très rapidement, les chiffres en témoignent. 440 sociétés financières ont quitté la City depuis le Brexit. Les banques siégeant au Royaume-Uni ont transféré environ 10 % de l’ensemble du système bancaire britannique, soit 900 milliards de livres d’actifs. Concernant les compagnies d’assurance, elles ont, avec les gérants de fortune, transféré plus de 100 milliards de livres d’actifs et de fonds. Suite à ces flux monétaires et de capitaux, « quelques » 7 400 emplois ont été transférés[1]. Cette « déconnexion progressive », pour reprendre nos propres mots, est d’abord marquée par des obstacles tarifaires et non-tarifaires, les sociétés de la City ayant perdu leur « passeport financier »[2]. Les banquiers basés à Londres sont donc obligés de recourir à un « chaperon » basé dans l’UE à chaque fois qu’ils traitent avec des clients de l’Union.

Dès le 4 janvier 2021, premier jour d’ouverture de la Bourse de Londres en situation de Brexit effectif, plus de 6 milliards d’euros – ce qui représente, environ, la moitié du marché – de transactions sur les actions d’entreprises européennes ont quitté le Royaume-Uni[3]. Ces « milliards » sont allés s’échanger dans plusieurs capitales européennes, ce n’est pas une place financière unique qui a remporté l’intégralité de la mise. On n’assistera donc pas à l’émergence d’un centre financier unique à l’avenir, bénéficiant de l’aura dont disposait la City avant le divorce. « De nombreuses entreprises ont délibérément divisé leurs activités et choisi différentes villes comme plateformes en fonction des divisions effectuées »[4]. Un exemple pour illustrer cela est la décision de Bank of America ayant choisi Dublin pour sa plateforme dédiée à ses activités bancaires au sein de l’UE, et en a créé une nouvelle à Paris, constituant le hub de ses activités de marché. Si Amsterdam est donc passé première, Dublin, Paris, Francfort ont également bénéficié des transferts d’actifs et de personnels engendré par le Brexit.

La BCE, autoritaire et prête à assurer l’éloignement de la City :

L’autre aspect de notre anticipation pointait la détermination de la BCE à distancer la City quitte « à y laisser des plumes », là aussi, le résultat est flagrant. L’institution de Francfort veut éviter que les banques ne comptent sur les filiales de Londres après le Brexit[5]. Elle cherche à freiner la « réservation dos à dos », pratique qu’opèrent les banques pour servir des clients en Europe tout en maintenant le capital et la gestion au Royaume-Uni. La BCE dénonce cette pratique au motif qu’elle rend les risques plus difficiles à évaluer et à contenir mais il y a une volonté évidente de porter atteinte à la puissance financière de la City.

Le point de vue que nous avons adopté en 2018 et confirmons dans la présente mise à jour est un point de vue européen. Il ne doit pas laisser penser que la City, partiellement coupée du marché unique sera fatalement mise à mal. Dans notre bulletin de juin, nous analysons la stratégie du Royaume-Uni post-Brexit, la Global Britain, et bien entendu, la City est partie intégrante de cette stratégie et de son pivot vers l’est qui compte des places financières d’ampleur globale. Nul doute que les acteurs financiers britanniques ont cela en tête et qu’ils comptent combler voir surpasser leurs pertes sur les marchés européens en dirigeant leur énergie vers d’autres points du globe. S’écarter du continent peut également signifier se libérer de son carcan[6] et le Royaume-Uni pourrait établir une nouvelle stratégie de concurrence fiscale comme elle a déjà su le faire avec Jersey par exemple.

___________________

 

[1] Source : Euractiv, 19/04/2021

[2] Expression désignant l’ensemble des équivalences permettant aux acteurs des marchés financiers de commercer de manière fluide au sein du marché unique de l’UE. Londres et Bruxelles ont bien négocié un Memorandum of Understanding mais il reste largement en dessous de ce qui existait avant le Brexit. Source : L’Opinion, 07/04/2021

[3] Source: Alternatives Economiques, 17/02/2021

[4] Source : Euractiv, 19/04/2021

[5] Source : Bloomberg, 26/05/2021

[6] Source : Bloomberg, 01/07/2021

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