Home Blog Rapport Pause-Débat de l’Anticipation session 5 : Entrepreneur agricole de demain

Rapport Pause-Débat de l’Anticipation session 5 : Entrepreneur agricole de demain

Pour cette cinquième session de notre série de débats nous recevions Romain Faroux, consultant AgriTech France, fort de plus de dix ans d’expérience dans le secteur de l’innovation agricole après avoir fondé en 2010 une startup de conseil agricole par drone, sur sa ferme natale du Poitou. Nous avons discuté avec lui de la réalité actuelle du métier d’agriculteur et des enjeux qui se posent à son évolution.

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Une réalité complexe et hétérogène

Si, au niveau macroéconomique, il est possible de formuler des constats relativement simples et exacts, dès que l’on rentre dans le détail, on observe des situations extrêmement complexes et hétérogènes. Cette complexité est due aux multiples facettes et compétences propres à un entrepreneur agricole, mais aussi au fait qu’il n’existe pas deux parcelles identiques, et enfin aux mutations climatiques, qui sont déjà tout à fait constatables et qui provoquent des phénomènes climatiques inédits.

L’hétérogénéité des acteurs du marché de l’AgriTech porte plutôt sur les différents états d’avancement dans la transition technologique, plus particulièrement digitale, dans laquelle le secteur est engagé. Sur ce point, chacun y va à son rythme, Romain Faroux a observé une culture digitale très faible chez les agriculteurs il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, la répartition est de l’ordre 80/20%. 20% des exploitations agricoles sont engagées dans la transition, c’est-à-dire que leurs agriculteurs sont formés et qu’elles disposent des capacités de financement pour investir : acquérir de nouveaux outils et mettre en place de nouvelles méthodes ; les 80% restants ne sont pas prêts à s’engager dans cette transition pour diverses raisons : le manque de trésorerie, et le fait que les services basés sur les nouvelles technologies restent trop largement considérés comme des dépenses plutôt que des investissements.

Parmi ces raisons, Romain Faroux constate également le décalage de maturité entre innovations technologiques, ralentissant leur application au sens large. C’est l’expérience qu’il tire de sa première aventure entrepreneuriale : AIRINOV. Proposant un service de diagnostic agronomique par drones, l’entreprise s’est heurtée à la difficulté de mise en œuvre de ses conseils sur le terrain, le matériel d’agriculture de précision n’étant pas suffisamment représenté dans les fermes. L’écart se situe donc entre la recherche technologique et le coût de son application, qu’il soit monétaire, humain ou matériel.

Pour compenser ce décalage, la formation joue un rôle primordial. Son objectif premier doit être l’implication de l’utilisateur final. Opter pour une approche pragmatique et réaliste de l’application d’une innovation, afin d’atteindre son but : que les agriculteurs puissent profiter des avancées technologiques dont les bénéfices sont réels et nombreux, à moindre coût, et sans devoir repenser tout leur modèle d’exploitation.

L’aspect culturel est également très important, à ce sujet Romain Faroux a attiré notre attention sur un phénomène parfois sous-estimé : la tendance d’un retour à la ruralité chez les urbains hautement diplômés. Bien que cette tendance ne soit pas massive mais nuancée, elle joue un rôle important d’influence mutuelle où chacune des deux parties apprend de l’autre. Une nécessité commune qui s’est accentuée après les confinements.

Une bascule historique

Avec les outils technologiques et le climat, les objectifs politiques du secteur agricole évoluent également. La rupture pour les agriculteurs qui cherchent à sortir du « produire plus pour gagner plus » pour aller vers « dépenser moins pour gagner plus » ouvre une nouvelle période historique. Suite à la seconde guerre mondiale, le continent européen traumatisé par les risques de famine, s’emploie en premier lieu à s’assurer une souveraineté alimentaire.

Cette approche a marqué les trente glorieuses. Avec la création de la SAFER, la mise en place de la PAC, la stratégie est au remembrement des fermes, et au passage à la monoculture. Une séquence de structuration qui permettra dans les trois décennies suivantes l’essor de l’agriculture intensive. La décennie 1990 est marquée par la fin des prix fixes et le secteur agricole entre dans le libre marché. L’agriculteur qui s’adapte toujours, ajoute alors à ses multiples casquettes, celle de trader… Aujourd’hui, et ce depuis la décennie 2010, l’enjeu principal est la préservation de l’environnement et la durabilité des pratiques. Une nouvelle facette du métier d’agriculteur l’amène donc à devoir « raisonner » ses pratiques, et à se tourner vers de nouvelles technologies pour l’y aider.

Au niveau international, les rapports de force évoluent. Avant la guerre en Ukraine, les Russes étaient engagés dans un développement rapide de leur production agricole domestique, par la structuration de bassins de production et des infrastructures de transport dans une logique industrielle. Tout comme les Chinois, ils disposent des surfaces nécessaires et sont moins regardant que les Européens sur les normes environnementales, ce qui va leur permettre d’être très compétitifs sur une stratégie « faible qualité, forte quantité ». Les Européens, qui ont été en pointe sur cette stratégie pendant plusieurs décennies, doivent tourner la page car ils ne pourront pas lutter. En revanche ils disposent des meilleurs agronomes et d’un terroir d’une grande qualité qui peut leur permettre de se placer à l’avant-garde d’une sobriété qualitative très intéressante, mais qui reste à accompagner dans sa mutation, avec des pistes comme le stockage de carbone en parallèle de la production traditionnelle.

 

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