GEAB 188

Le présent numéro rappelle à chacun, lecteurs comme rédacteurs, l’ampleur du brouillard statistique qui caractérise notre époque. En choisissant la thématique de la démographie, on pourrait penser que nous avons tablé sur un domaine fiable, factuel. Le taux de natalité, l’enregistrement des naissances et des décès, les recensements, sont des pratiques largement répandues et ancrées à travers le monde. On pourrait penser que l’IA y aiderait. Et pourtant, il n’en est rien. Même à l’ONU, institution qui dispose d’une portée et de moyens hors d’atteinte de toutes autres institutions, les inexactitudes et par conséquent les incertitudes sont monnaies courantes.

Un peu comme un érudit qui, à mesure qu’il apprend et engrange des connaissances, réalise tout ce qu’il ne sait pas, nos sociétés découvrent, à mesure qu’elles développent des instruments de mesures statistiques, la distance qui les sépare de la « vérité », parfois même simplement de la réalité. Est-ce parce que nous vivons dans un monde de plus en plus complexe ? Ou bien serait-ce parce que nos outils statistiques nous permettent seulement de mesurer l’étendue de la complexité face à laquelle nous sommes démunis, impuissants ?

Notre méthode a, dès ses débuts, pris en compte cette donnée en s’obligeant à une approche multidisciplinaire et globale. C’est la seule manière de pouvoir considérer les multiples facteurs qui viendront impacter la tendance que l’on cherche à dessiner, et donc à anticiper les ruptures qui viendront la bousculer. Dans le cas de la démographie, comment laisser de côté le fait que dans notre inconscient collectif, la sensation de surnombre aurait automatiquement un effet à la baisse ? Pourquoi choisir de se concentrer quasi-exclusivement sur les naissances alors que les morts y jouent un rôle tout aussi important ? Pourquoi s’entêter dans des projections linéaires alors que si l’Histoire se répète, ce n’est jamais avec les mêmes mots, ni pour les mêmes causes, et ne produisant pas les mêmes effets ?

La croissance exponentielle des statistiques va de pair avec l’importance voire la confiance que nous sommes tentés de leur accorder collectivement. Et quand elles se révèlent inexactes, voire fausses, nous en sommes d’autant plus déstabilisés. Et ainsi nous nous retrouvons au beau milieu d’un brouillard, incapables de distinguer précisément dans quelle direction nous avançons. C’est pourquoi notre méthode n’a jamais mis au centre seuls des chiffres. Bien évidemment nous avons recours à des données factuelles pour construire et étayer nos anticipations, mais nous les considérons au même titre que les décisions, les biais culturels, voire l’irrationnalité des acteurs en présence. S’ils ont une apparence qui n’est pas chiffrée et donc pourrait être considérée moins précise, ils façonnent tout autant notre quotidien, leur prise en compte est donc nécessaire si nous souhaitons nous approcher de la vérité de l’avenir. Ce qui nous permet d’élaborer des anticipations plus fines, plus subtiles que des projections prospectives, qui se résument trop souvent à des courbes linéaires.

Servez-vous donc de ce bulletin mensuel comme de phares antibrouillards, à intégrer dans votre GPS de l’avenir. Nous employons régulièrement cette image car elle rappelle le fonctionnement de notre cerveau lorsque nous sommes au volant d’une voiture. Nos sens perçoivent les signaux envoyés par la route sur laquelle nous avançons et anticipent les choix que nous aurons à faire pour naviguer ou pour réagir aux imprévus. Quand on insiste, en présence de brouillard, à éclairer la route comme par temps clair, on n’obtient qu’un écran de fumée. C’est dans ces moments-là qu’il est nécessaire de changer d’outil pour obtenir un éclairage plus approprié. En descendant de son piédestal la nébuleuse de statistiques pour la remettre au niveau des autres outils qui nous permettent de comprendre notre présent, non seulement nous y voyons plus clair pour naviguer dans l’avenir, mais nous prenons aussi mieux en compte les incertitudes qui ne manquent jamais de se présenter à nous. Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter bonne route, vous pouvez compter sur nous pour vous éclairer.

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L’anticipation selon LEAP est un exercice de style consistant à proposer des affirmations sur l’avenir, basées sur des arguments factuels articulés rationnellement, servant de balises sur le paysage que chacun de nous s’apprête à traverser. Ces repères lumineux sont ensuite soumis à nos réflexions, échanges, observations et révisions, pour nourrir notre intelligence collective et individuelle de l’avenir. Plus qu’un média d’information, le GEAB est l’embarcadère de vos navigations dans l’avenir. A vous de jouer !

Et vous, que faites-vous du GEAB ? Pour tout échange avec notre équipe : [email protected]