« L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », écrivait Jean Monnet, et le fait est que la crise systémique globale a fait faire des progrès de géants à l’Europe – à l’Euroland pour être précis. Ce sont ces progrès que le GEAB analyse et anticipe fidèlement depuis 2006. Mais, dès le début, comme nous l’avons rappelé dans le dernier numéro, la crise politique qui découlerait de cette gigantesque transition est une échéance inévitable : soit l’Europe politique y trouve son énergie créatrice, soit le projet européen, et les pays européens avec lui, passent aux oubliettes de l’Histoire.[…]
Plan de l’article complet :
1. LA CRISE UKRAINIENNE TESTE L’INDÉPENDANCE DE L’EUROPE
2. PERTES DE SOUVERAINETÉ EN SÉRIE
3. LA TRÈS GRANDE CRISE DU LEADERSHIP EUROPÉEN
4. UN SURSAUT DÉJÀ VISIBLE ?
5. CRISE UKRAINIENNE ET ÉLECTIONS EUROPÉENNES
6. UN BLOCAGE INSTITUTIONNEL DE L’UE POURRAIT-IL ÊTRE SOUHAITABLE APRÈS TOUT ?
7. SORTIR DE LA PENSÉE UNIQUE EN ÉCONOMIE… ET DANS LE RESTE
Nous présentons dans ce communiqué public des extraits des parties 5 et 6.
La plupart des Européens n’ont pas compris que ces élections étaient différentes des autres en ceci qu’elles étaient significativement plus transeuropéennes en raison de ces candidats et programmes communs. C’est bien dommage car, en dehors de l’occasion d’expression publique qu’elles fournissent, ces élections ne vont pas beaucoup contribuer à éclairer les citoyens européens sur les enjeux du continent et les pistes d’avenir.
Les principaux messages envoyés aux citoyens consistent à leur demander d’aller voter et de faire confiance aux grands partis qui ne sont pas responsables des problèmes (cherchez l’erreur) plutôt que de voter pour les extrêmes. Ainsi bloque-t-on la pensée politique des citoyens dans une alternative navrante : « l’establishment » ou Hitler. Il existe pourtant des dizaines de petits et moyens partis (PMP) progressistes qui, au même titre que les petites et moyennes entreprises (PME), sont les vrais lieux de l’innovation politique. Or si les grands partis sont malheureusement indéboulonnables du niveau national, le niveau européen est une arène démocratique vierge qui peut constituer un espace de renouvellement des contenus et méthodes politiques en Europe. Bien sûr, ces PMP sont faibles, désorganisés et finalement très nationaux (43). Mais leur diversité permet à chacun de choisir celui dont le discours se rapproche le plus de ce qu’il pense et d’exprimer ainsi une opinion. En revanche, pour un vote sérieux, nous conseillons à nos lecteurs de comparer les déclarations d’intention et la réalité des votes de ceux de ces partis qui sont déjà au Parlement européen (44). Par ailleurs, un jour peut-être, le rassemblement de ces petits partis progressistes sur une plateforme transeuropéenne pourrait créer un événement fondateur de la démocratie européenne…
Le Parlement européen actuel pourrait même garder la main dans une telle évolution en lançant l’initiative sous la forme, non pas d’un nouveau Parlement créé ex-nihilo, mais de la constitution d’une super-commission de l’Euroland (ou un sous-Parlement de la zone euro) dont les représentants des 28 éliraient un « board » composé de représentants des seuls 18. Cette super-commission deviendrait instantanément l’organe représentatif dont la BCE et l’Eurogroupe ont tant besoin pour articuler démocratiquement leurs décisions et leur donner poids et légitimité. Une sortie de crise, cette fois par le haut, serait alors en vue… surtout si, en plus, le PE décide de choisir un lieu unique de réunion… et que ce lieu ne soit surtout pas Bruxelles ! (46)
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Notes :
1 Telle qu’enseignée également par la Fondation européenne de Formation à l’Anticipation Politique, FEFAP.
43 Le seul et unique parti vraiment trans-européen est Newropeans, créé en 2005 par Franck Biancheri, sans base nationale aucune, directement au niveau européen. Ce parti a choisi de ne pas se présenter en 2014, certain que les conditions n’étaient toujours pas réunies pour faire plus de différence dans la campagne qu’en dehors. En revanche, Newropeans vient de lancer une intéressante consultation des candidats aux européennes sur leurs positions concernant « Six questions brûlantes pour une élection européenne historique ».
44 Grâce au site www.votewatch.eu
45 Source : EUObserver, 12/05/2014
46 Nous renvoyons une fois de plus aux travaux d’Europe 2020 au début des années 2000 sur le projet Euroring de déghettoïsation des institutions européennes : Euroring, pour une nouvelle géographie institutionnelle de l’Europe.