GEAB 190

Le concept de l’interrègne a souvent été mobilisé ces dernières années en géopolitique. Les images d’une transition sans chef, ou d’un passage d’une domination à une autre, ou encore de la formation d’un monde multipolaire succédant au monde unipolaire, résonnent bien avec notre époque. Ici, nous invoquons ce concept pour désigner une situation beaucoup plus précise : la transition en cours aux Etats-Unis entre le mandat de Biden et celui de Trump, qui s’étale donc du 5 novembre 2024 au 20 janvier 2025.

Dans cette courte période, cesse l’attentisme propre à la grande année électorale de 2024, pour laisser place au retour des troubles. C’est le vide politique américain, avec un Biden déjà hors de course, depuis qu’il a retiré sa candidature, mais d’autant plus depuis la défaite de son parti aux élections ; et des Républicains pas encore installés à la Maison Blanche. Vide qui laisse place aux soubresauts géopolitiques d’un monde en tension. La tendance est claire : coup d’état avorté en Corée du Sud, exercices militaires chinois autour de Taiwan, crises politiques en France et en Allemagne, élections annulées en Roumanie, manifestations en Géorgie, chute de Bachar el-Assad en Syrie, intensification des luttes d’influence au Sahel, attaque « massive » de la Russie en Ukraine, retour de l’Etat islamique… Les coutures encore naissantes du monde multipolaire craquent de tous les côtés.

Plusieurs enseignements sont à en tirer. D’abord, et malgré la gravité des événements, ne pas paniquer, car ces troubles prendront fin de manière quasi immédiate avec l’inauguration de Trump. Deuxièmement, la concordance parfaite de ces incidents avec la fin de la campagne présidentielle américaine doit rappeler à chacun la portée de l’influence des Etats-Unis sur le monde. Une leçon que notre équipe la première, qui observe attentivement les signes du déclin de l’empire américain, apprend avec beaucoup d’humilité. Enfin elle démontre que le manque de stabilité du pouvoir politique américain, en comparaison de l’alternance quasi parfaite des mandats consécutifs démocrates, puis républicains, n’est plus tenable pour le reste du monde.

Un monde en transformation aussi rapide et brutale que celui du XXIe siècle exige des garanties que les démocraties libérales à l’occidental n’arrivent plus à fournir. Ce constat appelle des transformations des modèles politiques nationaux, régionaux et globaux. En Europe, Ursula von der Leyen l’a compris, et n’attend plus après les Etats-Nations pour avancer, à l’image de la conclusion des négociations pour l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR. Les Etats-Unis sont également capables de transformations profondes, Trump l’a compris, il n’a que quatre années devant lui, il faut s’attendre à ce qu’il frappe vite et fort. Les membres des BRICS ont conscience de cela et sont prêts à jouer leurs cartes, sans se laisser dépasser.

Tous ces acteurs géopolitiques seront contraints de collaborer pour recréer un système global fonctionnel. C’est la réflexion qui nous a le plus occupés dans le numéro de ce mois-ci et que vous pouvez découvrir dans l’article suivant. Si la stabilité et la sécurité sont souhaitables, les partisans de la liberté et de la démocratie seront mis à l’épreuve dans leurs convictions face à cette reprise en main, qui ne pourra être qu’autoritaire.

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Prochaine rencontre du GEAB Book Club : le 20 décembre à partir de 18h (langue : FR-EN non traduit)

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