GEAB été 2024

L’un des travaux fondamentaux de notre bulletin depuis son lancement en 2006 sous la direction et la plume de Franck Biancheri, reste l’anticipation de ce que nous avons théorisé comme la “crise systémique globale” qui s’est notamment concrétisée dès 2008[1]. Depuis, le GEAB ne cesse d’essayer de déceler les prochaines étapes de la mutation de notre monde globalisé. Cependant, on peut ajouter à cette analyse une multitude de facteurs permettant aujourd’hui de dégager des tendances structurelles. La première étant la perte d’influence toujours plus remarquable des Etats-Unis s’accompagnant d’un phénomène de multipolarisation déjà bien entamé, mais toujours en phase de progression, ensuite, la prise de conscience progressive du dérèglement climatique et de ses conséquences (depuis les années 1990 notamment[2]), et enfin, un épuisement des ressources non-renouvelables à l’échelle humaine.

Ces tendances ont été scrutées de près par le GEAB qui, depuis 10 ans, publie régulièrement des articles sur la thématique des énergies. Autant de publications qui nous permettent aujourd’hui la réalisation d’un numéro à la croisée des chemins alliant nos anticipations passées éclairées à la lumière de l’actualité. Au même titre que la crise systémique globale a clôturé un chapitre, les énergies sont un excellent indicateur et nous permettent de rythmer notre histoire de manière cyclique.

Les enjeux énergétiques sont plus que jamais à la croisée des chemins pour les économies européennes. La guerre en Ukraine a accru la dépendance énergétique de l’UE au reste du monde, et tout d’abord à la Chine et aux Etats-Unis. Or, peu d’ambitions peuvent être atteintes sans une maîtrise des approvisionnements énergétiques. Comment réaliser une réindustrialisation ? Comment atteindre une souveraineté alimentaire ? Comment opérer une transition écologique, ou même numérique, lorsqu’on ne dispose pas de la maîtrise des flux énergétiques indispensables pour alimenter les forces à l’œuvre dans toutes ces réalisations ?

Grâce à notre méthode d’anticipation, il est possible d’entrevoir les rouages à venir concernant les énergies et, par extension donc, l’avenir de nos vies post-industrialisées. Notre constat est sans appel et rejoint celui des nombreux acteurs du secteur. La fin d’un cycle approche, ouvrant la voie à une nouvelle structuration en matière d’énergie. Ce nouveau cycle à l’horizon 2030 comprend, pour le pétrole, un passage critique du pic pétrolier avec le basculement progressif vers le Yuan au détriment du Dollar, et un renouvellement des modes de consommation. Finalement, la question centrale de ce nouveau cycle reste le nucléaire. Sera-t-il la pierre angulaire de tous les changements ?

Toutes ces tendances sont observables depuis quelques années déjà. Cependant, la force d’inertie des acteurs majeurs de l’ensemble du secteur énergétique, longtemps résistants aux changements, en a repoussé toujours plus loin les échéances. Ainsi, semblons-nous naviguer à vue, dans l’attente patiente du coup de grâce. Jusqu’à quand pourra-t-on reporter le choc ?

C’est un numéro hybride que nous vous présentons. Il est composé d’une sélection des anticipations les plus structurantes publiées dans le GEAB ces dix dernières années, agrémentées de nouvelles recherches pour faire le point sur l’actualité des enjeux abordés.

L’exercice de retour sur nos anticipations est indispensable à la rigueur méthodologique à laquelle nous souhaitons rester fidèle. Il est également riche d’enseignements pour vous, nos lecteurs. Avec ce numéro, prenons ensemble de la hauteur pour se rappeler à quel point ce choc paraît inévitable à qui ne prend pas la peine de mesurer l’ampleur de l’enjeu.

Enfin, nous avions lancé un sondage parmi nos lecteurs sur les sources d’énergie du futur. Vous trouverez les résultats en annexe de ce numéro. Nous remercions vivement toutes les personnes qui ont pris le temps d’y participer.

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[1]      Franck Biancheri, 1961-2012, a fondé le GEAB en janvier 2006 ; le 2ème numéro du 16/02/2006 s’ouvrait sur “20-26 mars 2006 – Déclenchement d’une crise mondiale majeure” anticipant et la crise des subprimes et la crise systémique mondiale. Source : GEAB n°2, 16/02/2006

[2]      C’est en novembre 1988 qu’a été créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avec pour mission de synthétiser à l’intention des États notamment l’état des connaissances sur le changement climatique et le rôle de l’activité humaine. Sources : IPCC (GIEC) et « Réchauffement climatique : depuis quand ? Les étapes de prise de conscience de ce phénomène », Ouest-France, 24/12/2023.