Les difficultés croissantes que rencontre le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne contrastent avec la mise en place progressive d’une accession « par morceaux » de l’ex-Yougoslavie (la Slovénie est déjà membre et la Croatie entame son processus d’adhésion tandis que se multiplient les propositions pour intégrer les autres pays balkaniques).
Ce contraste est d’ailleurs d’autant plus saisissant si l’on compare l’évolution des opinions publiques en ce qui concerne l’UE dans les différents pays concernés. En Turquie, l’image de l’UE et de la perspective d’adhésion se détériorent régulièrement depuis la fin 2004 (date symbolique du « feu vert » européen aux négociations) ; alors que dans les pays de l’ex-Yougoslavie on constate l’évolution inverse.
Pour les opinions publiques européennes, sur fond généralisé de « ras-le-bol » d’un élargissement sans fin, l’équipe de LEAP/E2020 constate une évolution essentielle qui peut expliquer ces évolutions divergentes : les citoyens européens rejettent désormais deux éléments bien particuliers de l’élargissement, à savoir d’une part les « gros » élargissements qui impliquent des pays à forte population pouvant remettre en cause les grands équilibres internes de l’UE, et d’autre part, les élargissements qui ne « finalisent » pas la construction européenne mais qui au contraire la projettent toujours plus loin dans une identité et des limites incertaines.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de constater une forte et croissante opposition populaire à l’adhésion de la Turquie ou de l’Ukraine (qui n’a même pas de statut de candidat), alors que l’adhésion des Balkans, sans soulever d’enthousiasme, ne suscite pas d’oppositions marquées. En effet, l’accession de la Turquie ou de l’Ukraine à l’UE entraînerait une redéfinition fondamentale de l’identité de l’UE et de ses limites ; alors que l’adhésion des pays balkaniques apparaît comme une « finition » du travail d’unité continentale entamé il y a 50 ans. Par ailleurs, les populations concernées dans les Balkans sont très faibles proportionnellement à celles de l’UE. Alors que Turquie ou Ukraine impliqueraient des bouleversements démographiques dans l’UE…
Lisez la suite dans le GEAB No 6 / 15.06. 2006