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Le bulletin mensuel du Laboratoire européen d'Anticipation Politique (LEAP) - 15 Oct 2018

Crise systémique globale – Fin 2018 : une heure de vérité… ou comment l’ASEAN sauvera le monde

Renforcement de la relation transatlantique[1], opérations barbouzes de tous côtés[2], escarmouches entre bâtiments chinois et nord-américains en mer de Chine[3], guerre commerciale, prise de pouvoir d’extrêmes droites dures, gros coups de semonce sur les marchés financiers… On dirait bien que le monde est sur le point de basculer dans quelque chose de radicalement nouveau. Explosion des marchés ? Guerre froide ? Guerre chaude ? Ou douleurs de l’enfantement ?

Nous vous invitons à lire attentivement le « calendrier de l’avenir » que nous présentons dans ce numéro. Il révèle clairement que la période octobre-novembre 2018 constitue un gigantesque point de bascule de la crise systémique globale que nous analysons depuis 2006. De titanesques énergies de réorganisation se libèrent, notamment autour de l’ASEAN, dans le cadre de l’échéance des sanctions étasuniennes contre l’Iran et avec les élections de mi-mandat dans le collimateur.

Tout cela a de quoi énerver les marchés financiers qui ne savent plus à quelle sauce ils vont être mangés. Propositions d’explications…

4 novembre : Iran contre monde

Figure 1 – Production et consommation de pétrole en Iran (en milliers barils/j) – Source Wikipedia (By Raminagrobis)

 

Nos lecteurs savent l’attention que nous portons à la stratégie du camp saoudo-israélo-américain autour de l’Iran[4]. Le bras de fer qui se joue depuis que Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien mérite vraiment le prix du scénario le plus haletant aux prochains Oscars. La question qui se pose en ce dernier épisode avant la mise en œuvre des sanctions est la suivante : si le régime des mollahs ne bouge pas, le monde peut-il supporter le gel de ses réserves de pétrole ? Or, à l’approche de la date butoir, l’Iran ayant résisté à la pression, le monde est pris d’une frénésie de contournement de ces sanctions. Manifestement, il est incapable de supporter le retrait du marché des 157 milliards de barils de réserves iraniennes. Dès lors, l’Iran a gagné ce bras de fer, et ce sont les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite qui risquent de se retrouver isolés. Quelle est alors la prochaine page du script ?

L’affaire du journaliste Khashoggi, au sujet duquel la Turquie accuse l’Arabie saoudite d’assassinat dans son consulat à Istanbul, constitue un nouveau rebondissement qui traduit concrètement le caractère insoutenable de l’approche de l’échéance du 4 novembre, imposant un retournement de situation par rapport à l’Iran. En effet, cette affaire provoque un revirement complet de la communauté internationale vis-à-vis de l’Arabie saoudite jouant a priori en faveur de l’Iran. À quelques encablures de l’échéance du 4 novembre, l’exploitation de cette affaire par les acteurs concernés n’est pas faite au hasard. On en vient à se demander si le secteur pétrolier, anticipant un échec relatif des sanctions contre l’Iran, ne voit pas là l’occasion de créer un nouveau front de gel de réserves pour maintenir le cours… Une stratégie complètement folle et inévitablement contre-productive. Même aux États-Unis, et même dans le camp des Républicains, des sénateurs tel Marco Rubio appellent à une réaction énergique contre l’Arabie saoudite pour sauvegarder la « crédibilité morale » du pays[5]. Trump résiste pour le moment, estimant que couper les approvisionnements en armement, c’est se punir soi-même[6].

Quoi qu’il en soit, le débat sur le conflit larvé Iran-AS vient clairement de changer de point d’équilibre, et l’avenir d’Israël et du Moyen-Orient dans le même mouvement. Les termes du nouveau bras de fer pourraient devenir très prochainement : « L’Arabie saoudite/UEA se retire d’abord du Yémen et l’Iran se retirera de Syrie/Liban ». Ces termes sont d’ailleurs au moins aussi légitimes à ce stade que les précédents, à savoir : « L’Arabie saoudite a cessé de financer les ISIS et autres groupes terroristes (en août 2017) et l’Iran doit maintenant cesser de financer le Hezbollah ».

Mais ce nouvel axe de négociation échappe cette fois au trio US-AS-Israël qui perd la main au profit d’un groupe plus flou composé de l’Europe, de la Turquie, de l’Iran, de la Chine, de la Russie… Quelle sera la réaction des États-Unis face à cette nouvelle situation ?

6 novembre : nouvelle politique américaine ?

Les élections de mi-mandat ont toutes les chances de réduire le pouvoir de Donald Trump en lui retirant sa majorité à la Chambre des représentants : d’une part, depuis 1934, ces élections sanctionnent systématiquement le parti au pouvoir ; mais, d’autre part, l’échec de la stratégie iranienne et surtout le gigantesque coup de chaud des marchés, sont plutôt de mauvais augure pour lui. Or, selon le résultat des élections et le degré de sanction que l’opinion américaine lui infligera ou non, Trump gardera plus ou moins la main pour enchaîner avec les stratégies qu’il a posées au cours de ses deux premières années de présidence.

Comme nos lecteurs le savent, nous analysons que le plus dangereux, de Trump ou de l’appareil d’État US, c’est le second. Rappelons à nouveau que la stratégie « Quad » d’encerclement de la Chine est une idée d’Hillary Clinton[7], que les Chinois réclament de discuter avec D. Trump plutôt qu’avec ses services[8], qu’aucun conflit n’a été déclenché en deux ans de présidence Trump malgré un contexte international ultra-sensible, qu’un plan de paix a pu être lancé avec la Corée du Nord… Bref, notre équipe est en réalité assez inquiète de ce qu’un appareil d’État américain, renforcé par les élections de mi-mandat, pourrait faire de ce qu’a posé Donald Trump en guise de stratégie de transition systémique. Rappelons encore qu’un appareil d’État n’est pas un être intelligent, mais une machine programmée à répéter indéfiniment des process conçus pour pérenniser les conditions de sa propre existence : l’OTAN a besoin de la Guerre froide pour exister ; les marchés financiers ont besoin d’un pétrole cher pour prospérer ; l’appareil d’État US a besoin d’être le maître du monde pour fonctionner…

Fin octobre : l’Asie/ASEAN à la manœuvre

Cette inquiétude, nous ne sommes pas les seuls apparemment à l’avoir. En témoigne l’agenda Asie/ASEAN des semaines qui précèdent comme par hasard ces dates pivots des 4 et 6 novembre.

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Au sommaire

Trois fois par an, le GEAB établit un planning des événements significatifs des quatre mois suivants. Ce calendrier est le type d’outil habituellement utilisé par les grands stratèges du monde qui se gardent bien de les partager, et plus encore de diffuser leurs commentaires au sujet de ces événements structurants. Heureusement, il y a LEAP et ce calendrier de l’avenir qui vous fera gagner un temps précieux de lecture de l’actualité au cours de ces prochains mois. Vous saurez déjà de quoi il s’agit !

Si l’on mélange du pétrole à du papier et que l’on jette une allumette, que croyez-vous qu’il arrivera ? Ce petit article est destiné à ajouter à notre liste des caractéristiques du marché du pétrole un phénomène que nous avions commencé à discerner le mois dernier, mais qui prend de l’ampleur à nos yeux. Surtout, ce phénomène nous rapproche d’un « day of reckoning » (heure de vérité) aux conséquences potentiellement cataclysmiques. On sait en effet combien le pétrole reste, malgré sa perte de centralité dans l’édifice économique mondial, le pilier du système monétaire et financier …

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